Bonjour Pauline. Parlez-nous de l'état d'esprit qui règne actuellement dans votre secteur ?
"Le développement durable est un sujet que les gens essaient d'intégrer dans leur dynamique et leurs activités, alors qu'auparavant, c'était un peu un ajout de dernière minute. Dans le secteur des festivals indépendants, il y a un grand mouvement initié par Vision 2025, un engagement pris par 500 festivals de réduire leur impact environnemental de 50 % en 2025.
Une grande partie des informations et des directives actuelles concernant l'énergie, les déchets, le transport et l'eau proviennent des rapports que Vision publie tous les cinq ans. Il y a donc eu des idées novatrices au cours des 10 à 15 dernières années dans le secteur des festivals, mais je pense que ce qui a vraiment émergé, c'est un sentiment d'urgence - que les gens doivent agir maintenant."
Mais la pandémie a été si dure économiquement pour le secteur de l'événementiel - la durabilité a-t-elle perdu de son élan ?
"Malgré la pandémie, j'ai constaté un changement : les gens font de leur mieux pour que les choses se passent bien, malgré les difficultés économiques. Nous sentons une réelle envie des gens de faire de leur mieux avec ce qu'ils ont et où ils en sont actuellement, et c'est très inspirant."
Quel est le résultat de cette nouvelle orientation ?
"Nous avons maintenant un consensus sur tous les axes de l'industrie musicale - des managers aux agents, en passant par les organisateurs d'événements et les sociétés de production. Des engagements importants ont été pris par différentes organisations dans différents domaines, et elles agissent et discutent ensemble. Personne ne considère que trouver les solutions n’incombe qu’à un seul festival, agent ou négociant - il s'agit d'une industrie globale qui doit travailler ensemble pour s'assurer que le changement a lieu. Nous pensons que nous pouvons faire plus si tout est connecté."
Que faites-vous pour les organisations ?
"D'abord, je m'assure que les gens ont un cadre qui représente leurs valeurs, leur mission et leur éthique. Ensuite, je décompose les différents domaines d'activité, ce qu'ils essaient de changer et leurs différents objectifs ou cibles - cela peut être l'énergie ou les déchets. Mais j'ai une approche qui est assez intersectionnelle, donc j'examine l'impact social et l'impact économique de la durabilité et la façon dont ils sont liés. Le travail sur l'inclusion, la diversité et l'accessibilité est lié à cet aspect environnemental, et je pense qu'il est important de réfléchir à ces trois aspects de concert.
Ensuite, je me penche sur des aspects plus spécifiques au site : je crée des directives pour les entrepreneurs et les parties prenantes, je calcule l'empreinte carbone et j'enregistre toutes les données. Je mène également des campagnes de communication à l'intention des agents pour leur faire savoir ce que l'événement ou l'équipement fait en matière de durabilité, et leur donner des outils pour qu’ils puissent s'informer sur le changement climatique."
Et comment compensez-vous un impact environnemental ?
"Pour la plupart des événements de Team Love, nous travaillons avec une organisation caritative environnementale qui s'occupe des festivals, appelée Ecolibrium,. Ils ont deux programmes pour équilibrer les émissions ; l'un est l'investissement dans les énergies renouvelables car créer ce changement sociétal nécessite des investissements. Ils ont également un programme "tree-plus", qui consiste à planter des arbres au Royaume-Uni, mais aussi à travailler avec une organisation au Malawi sur la régénération des terres, l'éducation, la protection et la plantation d'arbres, ainsi que sur la protection de l'Amazonie.
Je vois cela davantage comme un investissement dans le carbone, où vous pouvez aussi choisir de ne pas planter d'arbres mais plutôt d'investir dans des organisations caritatives afin de créer le changement sociétal nécessaire à la durabilité et à l'élimination nette d'ici 2030."
Des solutions différentes pour des événements différents ?
"Les gens s'intéressent à différents types d’actions en faveur du climat ou de la planète, c'est pourquoi j'aime travailler via des partenariats sur mesure. Certaines personnes s'intéressent aux droits des animaux, d'autres à la justice sociale, d'autres encore à la technologie. Si vous êtes capable de mettre un prix sur vos émissions de carbone et d'investir cet argent dans des solutions, je pense que cela a un impact réel."
Pour les événements live, existe-t-il un équilibre entre la recherche de la durabilité pour des raisons éthiques et des raisons commerciales ?
"Je ne dirais pas qu'il y a un équilibre, car certains changements systémiques sont nécessaires dans les secteurs de l'hôtellerie et de la musique. Je pense que l'éthique est là et que les gens font de leur mieux, mais depuis la pandémie, le secteur rencontre de nombreuses difficultés économiques. Je pense que, maintenant, les gens galèrent pour être en mesure d'investir dans des solutions ou des options plus durables. J'espère qu'avec le redémarrage de l'économie, les gens seront en mesure d'investir leur argent là où se trouve leur éthique et donc de remettre en question les modes de fonctionnement des deux industries."
Quels sont les autres développements qui vous inspirent ?
"L'aspect social est assez passionnant - la façon dont les gens travaillent sur la santé mentale et les espaces de travail inclusifs, et dont nous pouvons affirmer des valeurs différentes dans notre secteur. C'est un sujet sur lequel j'ai fait des recherches pour Breaking Bread [un restaurant pop-up de Bristol, socialement distant, qui a fermé en 2021]. J'ai étudié l'impact sur notre santé de l'isolement pendant si longtemps : quelle valeur accordez-vous alors à un restaurant, un pub ou un festival - ces types de connexions sociales ? J'ai essayé de comprendre cela à l'aide de données et de voir si la santé mentale des gens ou leur sentiment d'appartenance s'améliorait lorsqu'ils retrouvaient cette vie sociale. C'est ce qui me passionne en ce moment : comprendre comment les gens se sont rétablis à leur manière et utiliser cela pour générer des idées avant-gardistes et pionnières en matière de développement durable, en alignant ces deux aspects."
Que pensez-vous du retour de Glastonbury ?
"Je suis surprise de voir à quel point tout m’est familier ! Nous n'avons pas eu Glastonbury depuis 2019, et c'est une organisation assez complexe. Je suis enthousiaste à l'idée de renouer avec les différents artistes et membres de la communauté que nous avons bâtie au fil des ans."
Tout le monde doit avoir hâte d'y être.
"Encore une fois, je pense que tout le monde se sent plus solidaire. Tout le monde a traversé des épreuves et donc maintenant les conversations avec les agents et les managers sont plus... je ne dirais pas apaisées mais il y a le sentiment que nous essayons tous vraiment d'y arriver après des années sans pouvoir travailler. Il y a de l'excitation et de la considération et quelque chose de... pas joyeux... je ne sais pas comment le dire. Nous avons traversé tout cela ensemble, alors maintenant je pense qu'il y a un peu moins de conflits."
Avez-vous un Glastonbury préféré ?
"Je travaille sur Glastonbury depuis 2014, et tous sont spéciaux mais le premier m'a paru assez fou. J'étais jeune, je venais de Nantes et je découvrais tout. Je ne me rendais pas compte de l'ampleur de la chose - ça m'a époustouflé."
Avant de partir, après une longue journée à parcourir le site, quelle est votre boisson préférée ?
"Si je suis en France, je vais prendre du Ricard. Je ne peux pas mentir : c'est ma boisson préférée. Au Royaume-Uni, peut-être un gin tonic."